T R AVA U X D E S C O M M I S S I O N S la mesure où en l’espèce ce dernier « pouvait en s’orientant sur le site dédié aux professionnels trouver des ordinateurs “nus”, mais que l’installation d’un système d’exploitation libre restait une démarche délicate dont elle (HP) ne pourrait pas en garantir la réussite. » La Cour de cassation rappelle dans son arrêt qu’une pratique commerciale est déloyale « si elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle atteint ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe particulier de consommateurs qu’elle vise. » Tel n’est pas le cas lorsque le consommateur a le choix entre l’acquisition d’un ordinateur liée à un logiciel d’exploitation et un ordinateur nu. La vente liée ne constitue donc pas nécessairement une pratique commerciale déloyale. ÉPUISEMENT DU DROIT DE DISTRIBUTION D’UNE COPIE D’UN LOGICIEL : LES ÉDITEURS NE PEUVENT PAS S’OPPOSER À LA REVENTE D’OCCASION Par un arrêt du 3 juillet 2012 (USEDSOFT / ORACLE3), la Grande Chambre de la Cour de justice de l’Union Européenne a jugé qu’un éditeur de logiciels ne peut pas s’opposer à la revente de copies d’occasions de ses logiciels sur le fondement de l’article 4.2 de la directive 2009/24 sur la protection juridique des programme d’ordinateur4. ORACLE développe et distribue, notamment par téléchargement via Internet, des programmes d’ordinateur fonctionnant sur le mode « client/serveur ». Le client télécharge directement une copie du programme sur son ordinateur, à partir du site Internet d’Oracle. Le droit d’utilisation concernant un tel programme, octroyé par un contrat de licence, inclut le droit de stocker de manière permanente la copie de ce programme sur un serveur et de permettre jusqu’à 25 utilisateurs d’y accéder. Les contrats de licence prévoient que le client acquiert un droit d’utilisation « à durée indéterminée, non cessible et réservé à un usage professionnel interne ». USEDSOFT commercialise quant à elle des licences rachetées aux clients d’Oracle. Les clients d’USEDSOFT téléchargent le logiciel directement sur le site Internet d’Oracle après en avoir acquis une licence « d’occasion ». En l’espèce, ORACLE considérait que la revente de licences d’occasion contrevenait aux termes de ses contrats de licence qui accordaient un droit d’utilisation non cessible à ses clients sans qu’aucun transfert de propriété n’intervienne : « Le paiement des services vous donne un droit d’utilisation à durée indéterminée, non exclusif, non cessible et gratuit, réservé à un usage professionnel interne, pour tous les produits et services qu’Oracle développe et met à votre disposition sur le fondement du présent contrat. » USEDSOFT considérait quant à elle que les contrats initiaux conclus entre ORACLE et ses clients constituaient une 1re vente d’une copie d’un programme d’ordinateur au sens de l’article 4.2 de la directive épuisant l’exclusivité du droit de distribution d’ORACLE. Rappelons en effet que l’article 4.1.c) de la directive, qui accorde à l’auteur d’un logiciel l’exclusivité du droit de distribution, est tempéré par l’article 4.2 relatif à l’épuisement du droit de distribution qui dispose que : « Le droit de distribution dans la Communauté relatif à l’original ou à des copies d’une œuvre n’est épuisé qu’en cas de première vente ou premier autre transfert de propriété dans la Communauté de cet objet par le titulaire du droit ou avec son consentement ». Dans son arrêt du 3 juillet 2012, la CJUE a rejoint la position d’USEDSOFT en considérant qu’ORACLE a conclu avec les 1ers acquéreurs deux contrats indivisiblement liés entre eux : • Un contrat de vente d’une copie du logiciel • Un contrat de licence de logiciel La CJUE a donc jugé que « dans une situation telle que celle en cause au principal, le transfert par le titulaire du droit d’auteur d’une copie d’un programme d’ordinateur à un client, accompagné de la conclusion, entre ces mêmes parties, d’un contrat de licence d’utilisation, constitue une « première vente d’une copie d’un programme d’ordinateur », au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2009/24. » Pour la Cour, le principe d’épuisement du droit de distribution s’applique non seulement lorsque le titulaire du droit d’auteur commercialise les copies de ses logiciels sur support matériel, mais également lorsqu’il les distribue par téléchargement à partir de son site Internet. La Cour a en outre précisé que l’épuisement du droit de distribution s’étend à la copie du programme d’ordinateur vendue telle que corrigée et mise à jour pas l’éditeur : « Même dans l’hypothèse où le contrat de maintenance est de durée déterminée, il doit être constaté que les fonctionnalités corrigées, modifiées ou ajoutées sur la base d’un tel contrat font partie intégrante de la copie initialement téléchargée et peuvent être utilisées par l’acquéreur de celle-ci sans limitation de durée, et ceci également dans le cas où cet acquéreur décide ultérieurement de ne pas renouveler son contrat de maintenance. » 3. http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=124564&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=165676 4. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:111:0016:0022:FR:PDF SEPTEMBRE 2012 • N° 121 • LA REVUE DE L’AVOCAT CONSEIL D’ENTREPRISES • 41