D O S S I E R : L E S N O U V E A U X M É T I E R S D E L’AV O C AT L’AVOCAT FIDUCIAIRE : LES RÔLES D’UN ACTEUR EN DEVENIR Yann STREIFF, Avocat, Avalon – société d’avocats L a fiducie est encore un mot lourd d’opacité pour de nombreux confrères. La notion en elle-même n’est pas toujours comprise et le rôle de l’avocat peu explicite. Cet état de fait qui est corroboré par le faible nombre de fiducie réalisé pourrait être inversé si les avocats étaient plus nombreux à s’approprier la maitrise d’un outil qui, dans le cadre par exemple de gestion patrimoniale de l’entreprise ou du particulier, leur permettrait d’acquérir une position forte aux cotés d’autres professionnels du droit, du chiffre ou de la gestion d’actifs. Yann STREIFF, avocat au barreau de Paris est le 1er avocat fiduciaire français. A ce titre il lui a été demandé de préparer la formation qui pourra être dispensée, dans le cadre des cursus de formation permanente de l’EFB, aux avocats souhaitant développer ce « nouveau métier » dont la technicité et les enjeux financiers sous-jacents devraient lui valoir un bel avenir. Ce d’autant plus que le principal obstacle au développement de cette activité qui était l’absence d’assurance professionnelle a été levé depuis peu. En ce qui concerne les avocats, elle est placée sous l’égide de leur Ordre qui tient un registre spécial des avocats fiduciaires et bénéficie d’un secret celui-ci étant toutefois inopposable à l’Administration. On le voit un ensemble de qualités intéressantes et aux multiples usages pour le Conseil. En tout état de cause la pluralité des acteurs concernés, les enjeux sousjacents, la durée de la Fiducie sont autant d’éléments qui doivent intéresser l’avocat et qui militent pour son implication en tant qu’acteur de la fiducie, pour la conseiller, la monter, la suivre et y mettre un terme au moment venu. LE RÔLE DE L’AVOCAT FIDUCIAIRE : LES INFORMATIONS À RECUEILLIR AUPRÈS DES PARTIES ET MENTIONS OBLIGATOIRES Comme pour tout contrat la Fiducie ne s’improvise pas, il convient de s’assurer des éléments de capacité des parties et de la consistance de l’objet du contrat. Pour répondre aux obligations des lois anti blanchiment ces vérifications doivent donner lieu à recueillement et conservation des pièces permettant d’établir la nature des diligences du rédacteur et du fiduciaire. De surcroît il conviendra en fonction de la Fiducie de constituer le dossier spécifique à l’opération envisagée, état de situation et diagnostics pour un immeuble ; dessaisissement pour une sûreté mobilière, registres sociaux pour une Fiducie sur valeurs mobilières etc. Dans tous les cas, ne serait-ce que pour répondre aux obligations comptables et fiscales de la Fiducie, il conviendra de recueillir et de conserver les éléments d’évaluation des biens ou/et droits transférés. Par disposition de la Loi le contrat de Fiducie doit à peine de nullité comprendre les éléments suivants (C. civil art.2018) : • 1° Les biens, droits ou sûretés transférés. S'ils sont futurs, ils doivent être déterminables ; • 2° La durée du transfert, qui ne peut excéder quatre-vingt-dix-neuf ans à compter de la signature du contrat ; • 3° L'identité du ou des constituants ; • 4° L'identité du ou des fiduciaires ; LA FIDUCIE, ESSAI DE PRÉSENTATION Fruit de plus de vingt-cinq ans de lobbying essentiellement du sénateur de l’Oise Philippe Marini la Fiducie parfois désignée comme « trust à la française » est un outil juridique codifié au Titre XIV du Code civil. Sa souplesse lui permet d’être envisagé pour de nombreuses opérations très diversifiées telles que la gestion d’immeubles et de fonciers, qu’il s’agisse d’Asset Management ou de prise en charge de sites pollués ; la mise en œuvre de sûretés qui seront opposables aux créanciers serait-ce dans le cadre de procédures collectives ; les pactes d’actionnaires et le portage d’actions. Cette liste n’est en aucune façon exhaustive et on peut penser que la pratique future établira d’autres usages. En tout état de cause il est important de rappeler et ce quel que soit l’usage qui en sera fait que la Fiducie : • Emporte transfert de propriété, celui-ci est opposable à tous tiers et administrations et peut concerner tant des droits matériels qu’immatériels, tant un actif qu’un ensemble d’actifs et de passifs. Ce transfert peut être successif, la Fiducie peut être « rechargée » c’est-à-dire complétée par des transferts de propriété successifs dans le cadre d’une fiducie unique et elle est fiscalement transparente • Concerne a minima trois personnes juridiques distinctes : le constituant, le fiduciaire, le bénéficiaire qui peut être in fine le constituant. Elle peut-être encadrée par un tiers contrôleur désigné par le constituant ou par le juge. En tout état de cause, elle donne lieu à un traitement comptable spécifique et engage la responsabilité professionnelle du fiduciaire. • Doit être spécialement assurée et enregistrée auprès de l’Administration fiscale à un registre spécial. 18 • LA REVUE DE L’AVOCAT CONSEIL D’ENTREPRISES • SEPTEMBRE 2012 • N° 121